22 SEPTEMBRE 2016 WWW.TRENDS.BE: Radioscopie des Vignobles de Wallonie

trends-tendances-22-septembre-2016

par Xavier Béghin

«Ah bon, on fait du vin en
Wallonie?» Cette réflexion
étonnée d’un acteur français,
grand amateur de vins,
n’est en soi pas étonnante.
Mais oui, la Belgique produit
du vin, et même du bon.
C’est Charlemagne qui a apporté la vigne
dans nos contrées. Elle va connaître
ensuite une expansion incroyable
jusqu’au 17e siècle, avec 50 vignerons
à Huy ou 19 pressoirs à Louvain. Puis,
l’évolution des conditions climatiques
va réduire la production de vin quasi à
néant. Sans oublier la concurrence féroce
de la bière. Le vrai renouveau viendra
de trois passionnés dans les années 1950:
Charles Henri à Seraing, Jan Bellefroid
à Borgloon et Charles Legot à Huy. Tous
trois ont planté de petits vignobles (20
à 25 ares) mais sont restés bien seuls pendant
des années. Puis en 1993, Pierre
Rion, cofondateur de la société Iris et
aujourd’hui business angel et président
du Conseil numérique wallon, va, avec
ses deux associés Etienne Rigo et
François Vercheval, planter successivement
quatre hectares au domaine de
Mellemont en Brabant wallon.
«Dire que j’ai créé le premier vignoble
wallon comme je le lis parfois est
donc un peu excessif, raconte Pierre Rion,
désormais président de l’Association des
Vignerons de Wallonie. Nous avons été
les premiers à donner une dimension
à la vigne wallonne. Et il faut admettre
que nous avons souvent été pris pour des
illuminés. Puis, au début des années 2000
est arrivé Philippe Grafé au domaine
du Chenoy avec ses cépages interspécifiques
(des cépages obtenus par croisement
de variétés différentes, appartenant
ou non à l’espèce ‘vitis vinifera’ et plus
résistants aux maladies de la vigne, Ndlr).
Un domaine de 10-12 hectares qui se voulait
professionnel. D’autres ont suivi
son exemple comme Jean-François Baele
au Ry d’Argent ou la famille Leroy qui,
avec son Domaine des Agaises, a ouvert
la voie des mousseux via, là aussi,
un grand vignoble professionnel. Je suis
un entrepreneur qui aime ouvrir des voies
plus qu’un capitaine d’industrie. A Mellemont,
nous avons ouvert la voie. D’une
centaine de bouteilles dans les années
1990 à un million aujourd’hui sur toute
la Wallonie, c’est beau non?»
Une centaine d’hectares
Mais que représente réellement le vignoble
wallon? En fait, il est comparable à un
gros château bordelais! En effet, suivant
les chiffres des uns et des autres, la superficie
des vignes avoisine aujourd’hui
115 hectares avec 65 sous appellation (lire
l’encadré «Pas de Vin de Wallonie»). Mais
de nombreux projets sont en train de voir
le jour et le nombre d’hectares devrait
rapidement augmenter. Le poids économique
de cette activité est, évidemment,
encore faible. Un million de bouteilles
avec un prix moyen de 10 euros n’engendre
pas de chiffres d’affaires très importants.
Mais la vigne wallonne crée de l’emploi
direct pour une bonne trentaine
de personnes et fait vivre des fournisseurs
(fabricants de bouteilles, d’étiquettes,
de bouchons, etc. ). Il y a évidemment de
la place pour faire plus, beaucoup plus.
«Je cite toujours l’exemple du Luxembourg,
poursuit Pierre Rion. Ils sont
500.000, n’exportent pas et produisent
13 millions de bouteilles. Extrapolé à son
territoire et sa population, la Wallonie
devrait donc produire 100 millions de
bouteilles. Ce n’est pas du tout irréaliste.»
La locomotive
Même s’il produit les trois couleurs (vins
rouge, rosé et blanc), le vignoble wallon
semble taillé pour le mousseux, vu son
terroir et le climat qui y règne. Il représente
déjà 60% et ce chiffre ne devrait
que croître. C’est un véritable marché de
niche. Lors de la présentation de sa Foire
aux vins début septembre, Delhaize a livré
les chiffres du marché du vin en Belgique
(étude Nielsen) pour le premier semestre
2016 (comparaison avec la même
période en 2015). Les effervescents belges
analyse agriculture

En une petite dizaine d’années, le vin wallon a conquis de véritables lettres de noblesse.
Singulièrement dans le domaine des vins effervescents où le fameux Ruffus est réputé
au-delà de nos frontières. Dans son sillage, le vignoble wallon se professionnalise.
Un secteur de taille modeste, qualitatif, mais encore loin de la rentabilité.
Avant de se lancer,
il faut bien comprendre
que reconvertir une terre
agricole en vignoble
n’est pas une opération
rentable immédiatement.
fou de champagne. Alors, oui, nous nous
sommes imposés. Les premiers à en vivre
de façon professionnelle. Les premiers à
confectionner un produit belge de très
haut niveau. Une locomotive, sans doute,
puisque nous en inspirons d’autres et que
le Ruffus reçoit de nombreux prix internationaux.

Pas loin de là en effet, sur la même faille
calcaire, s’est installé le Chant d’Eole, fruit
de l’association entre une famille d’exploitants
agricoles de la région de Mons
et d’un vigneron champenois d’origine….

…La réussite des vins wallons
tient beaucoup au rôle de locomotive joué
depuis 10 ans par le Domaine des Agaises
(près de Binche) et son fameux mousseux
appelé Ruffus. Aujourd’hui,
le domaine de la famille Leroy compte
23 hectares (18 seulement en production)
sur une faille calcaire, soit le même terroir
qu’en Champagne. Très réussi et donc
très prisé, ce mousseux se fait hélas trop
rare chez les cavistes belges, malgré les
180.000 bouteilles produites en 2015.
«Cette pénurie n’est pas du tout voulue,
explique Arnaud Leroy. Nous sommes
limités par notre raisin. A terme, nous
devrions atteindre 250.000 bouteilles,
mais je suis sûr que cela ne suffirait pas.
Nous sommes une société familiale sans
investisseur extérieur et nous sommes
limités par nos ressources. Quand nous
sommes arrivés sur le marché, il n’y avait
quasi aucune bulle belge.
Assez curieusement, l’appellation
Vin de Wallonie n’existe pas.
Il est donc rigoureusement interdit
de l’utiliser sur une étiquette. A sa place,
le législateur reconnaît trois AOC
(appellation d’origine contrôlée)
et une dénomination avec indication
géographique protégée (IGP):
* AOC Côtes de Sambre et Meuse:
c’est la plus sévère des quatre appellations.
La zone de production correspond
au bassin hydrographique de la Meuse.
34 cépages sont autorisés. Tous doivent
appartenir à l’espèce Vitis vinifera.

…L’oenotourisme est une stratégie
idéale pour faire connaître les vins
belges. On le voit, il n’en est qu’à ses
débuts. Vous pouvez consulter les
sites des différents vignerons pour
vous tenir au courant de leurs activités www.vigneronsdewallonie.be
Sinon, le site www.winesinbelgium.be
propose des escapades sur mesure
pour de petits groupes. Histoire de
partir à la découverte d’une nouvelle
facette du terroir wallon. Une facette
dont il faut être fier.
…….

 

 
PG