Dur, dur le gel

 

 

Estinnes : les vendanges du Vignoble des Agaises sont compromises par le gel
LALIEU GRÉGOIRE Publié le lundi 08 mai 2017 à 21h38 – Mis à jour le lundi 08 mai 2017 à 21h42

Pertes importantes dues au froid. Du jamais-vu au Vignoble des Agaises

 » Il n’y a plus de saisons. » Voilà le genre de lieu commun qui a pu alimenter les discussions durant le mois d’avril, le thermomètre jouant au yo-yo entre douceur printanière et offensives hivernales.

Pour le Vignoble des Agaises à Haulchin, ces caprices climatiques dépassent les discussions de comptoir et annoncent des conséquences catastrophiques.  » Ce que nous avons connu cette année est assez exceptionnel, témoigne Arnaud Leroy du Vignoble des Agaises. Il a fait très bon au mois de mars, si bien que les vignes et, de manière générale, tous les arbres fruitiers, se sont réveillés plus tôt. Mais, vers la mi-avril, nous avons essuyé une vague de froid, le thermomètre chutant jusqu’à -5° durant plusieurs nuits. Avec la combinaison de ces deux facteurs, les bourgeons ont été brûlés par le gel. Ce qui compromet la vendange cette année. « 

Ce n’est pourtant pas la première fois que le vignoble est confronté au gel. L’an dernier déjà, le thermomètre avait chuté à la même période, moment critique. Deux hectares sur les dix-huit en production en avaient fait les frais. Mais, cette année, les dégâts sont beaucoup plus importants.

 » En général, le thermomètre passe à -1 ou -2°, poursuit Arnaud Leroy. Plus exposé, c’est le bas du coteau qui est touché. Et nous perdons dans ces cas-là entre 5 et 10 % de la récolte. Cette année, l’entièreté du vignoble est atteinte. Il n’y a plus rien à certains endroits. C’est impressionnant. « 

Alors que le Ruffus a récolté les médailles d’or l’an dernier, la vendange s’annonce difficile à Haulchin pour 2017.  » C’est la première fois que le gel cause autant de dégâts. Nous sommes entre 50 et 75 % de pertes. Quoi qu’il arrive, nous réaliserons une petite vendange cette année. Il faut attendre deux ans avant que le raisin récolté arrive dans les bouteilles sur le marché. Si nous en avons trop peu cette année, nous reporterons la production à 2020. Si nous en avons assez pour notre millésime, il y aura sans doute une petite adaptation dans les prix pour couvrir les pertes et les différents frais. « 

Notons que les ravages du gel ne sont pas cantonnés à Estinnes. Ailleurs en Belgique et chez nos voisins français, la situation est catastrophique.

 

Des éoliennes pour réchauffer les vignes

Pour protéger les vignes du gel, il n’y a hélas, pas de solution miracle. Certains procédés sont coûteux et ne garantissent pas une efficacité totale. C’est le cas des chaufferettes à placer tout au long des vignes. Elles permettent de gagner un ou deux degrés. Mais il en faut près de 2.000 par hectares. Elles nécessitent donc beaucoup d’argent et de personnel. Impensable à Haulchin. Seuls quelques grands crus se le permettent.

Autre solution inadaptée au Vignoble des Agaises, l’irrigation. « Il faut asperger les vignes d’eau », explique Arnaud Leroy. « En gelant, l’eau va former des stalactites qui vont protéger les bourgeons. C’est aussi très coûteux et nous n’avons pas de réserves d’eau suffisantes. »

Cette année , le Vignoble des Agaises avait testé un produit naturel qui permet de stimuler les vignes pour qu’elles concentrent un maximum de sucre. Efficace pour les basses températures. Inutile si le thermomètre affiche -5°.

Reste les grands moyens. « Certains font survoler un hélicoptère au-dessus des vignes. L’air déployé par le mouvement des palmes réchauffe les vignes, comme un sèche-cheveux. Mais on ne peut pas faire voler un hélicoptère n’importe quand. Et c’est durant la nuit que les températures sont les plus basses. »

L’alternative, assez proche de l’hélico, repose sur les éoliennes. « C’est une solution que nous étudions. Des éoliennes, électriques et chauffantes, sont disposées horizontalement, au-dessus des vignes. Chaque éolienne peut protéger jusqu’à un ou deux hectares. Nous envisageons cette solution pour le bas du coteau. »

De fait, à Estinnes, on s’y connaît en éoliennes…

 

Le Ruffus fait peau neuve

Si 2016 avait déjà vu les vignes souffrir du gel, si 2017 annonce une récolte en berne, 2015 fut, au contraire, une excellente année. De quoi se consoler après la lecture de ces tristes nouvelles. Les premières bouteilles de ce millésime arrivent sur le marché.

L’œil aguerri remarquera que le Ruffus fait peau neuve. Après douze ans de bons et loyaux services, la vieille étiqueteuse du Vignoble des Agaises a cédé la place à une machine plus performante. Les Leroy ont profité de l’occasion pour modifier l’habillage des bouteilles. Le bleu traditionnel du Ruffus a disparu au profit d’un noir élégant. Le masque du Gille de Binche s’est envolé. Mais l’esprit du carnaval est bel et bien là avec les lions héraldiques qui rappellent le costume du Gille. Ils sont ici déclinés aux couleurs nationales. Sur la contre-étiquette, on retrouve le lion des Flandres, le lion de Brabant et le coq wallon.

Le Ruffus est bien un breuvage 100 % belge. L’étiquette annonce la couleur. « Fiers de ce que nous produisons en Belgique », communique le Vignoble. Il y a de quoi !

Lalieu Grégoire