Les dégâts du gel dans les vignes wallonnes

Fin avril, les viticulteurs wallons ont connu plusieurs nuits très courtes pour tenter de combattre le gel dans leur vignoble, mais le constat est sans appel : plus de deux tiers des vignobles – il est question de minimum 250ha – ont été touchés à des degrés divers par les températures négatives, entraînant chez certains une perte parfois quasi totale. 

L’espoir est de voir un second bourgeon qui permettrait de sauver une vendange éventuellement partielle, mais plus tardive, en 2024. Il semblerait que cette possibilité soit plus élevée pour les cépages résistants, mais rien n’est moins sûr. Nombreux sont donc les producteurs qui ont introduit une demande de reconnaissance des pertes en « calamité agricole » afin d’obtenir une indemnisation financière, pour compenser en partie les pertes de production. Une procédure est en cours, avec les autorités communales et régionales.

En attendant les résultats de cette procédure qui prévoit un second constat effectif au cours ou en fin de saison, nous avons interrogé nos membres sur les moyens mis en œuvre durant ces deux fameuses nuits du 22 et 23 avril. Voici une vingtaine de témoignages dont il ressort un constat : les méthodes de l’un ne fonctionnent pas forcément chez l’autre…

Nuit de veille dans le vignoble des Coteaux des Avelines

Brabant wallon

Au Domaine de Glabais, les pertes se concentrent sur le Chardonnay. Le petit vignoble de La Hulpe a quant à lui tout perdu.

Non loin de là, dans le vignoble des Coteaux des Avelines, explique Arnaud Duchêne, « une bonne partie des premiers bourgeons de la récolte 2024 est « partie en gelée ». Heureusement, de nombreux bourgeons ont pu être sauvés grâce à notre formidable équipe de « soldats du feu » qui ont allumé quelques centaines de feux dans les vignes au cours de cette nuit rudement froide mais visuellement belle. Les bourgeons sauvés et les bourgeons secondaires vont quand-même nous assurer une belle récolte. Cela nous donnera malheureusement plus de travail l’an prochain lors du chantier de taille pour le remplacement des cordons endommagés. »

Au Domaine de Mellemont, rapporte Matthieu Dumont, « environ 60% de nos bourgeons ont été touchés par le gel. Nous n’avons entrepris aucune démarche pour lutter contre le gel, faute de moyens. Nous avons bon espoir que les bourgeons secondaires arrivent quand même à maturité. »

Bilan radical pour le petit Domaine du Bois des Dames, « 100% de perte, déplore Xavier Ide. Hiver trop chaud, trop tôt et malgré notre cépage tardif, nous nous sommes fait avoir. Nous allons juste veiller à ce que la vigne se remette au mieux en préparant 2025. »

Province de Hainaut

Au Vignoble des Agaises/Ruffus, Arnaud Leroy déclare que « nos 3 tours ont protégé à 100% une grosse dizaine d’hectares. Sur les 20 autres, une bonne moitié a repris, mais l’autre moitié ne donnera pratiquement rien… On peut donc estimer les pertes entre 20 et 30 %. Nous plantons 4,5 ha dans les prochains jours, nous passerons ainsi la barre des 40 hectares. »

Les voisins du Domaine du Chant d’Eole ont eu plus de chance, car Laurent Etienne affirme n’avoir perdu que moins de 2%…

Plus au sud, au Domaine de Longuesault, constate Lara Safiannikoff, « nous avons eu  beaucoup de chance, la région de Tournai a été épargnée, nous n’avons pas été touchés par les gelées (ouf!). »

Au Domaine de la Portelette à Lobbes, Bertrand et Sophie déplorent des dégâts importants sur 2,5ha en production. « Globalement, 80% des bourgeons primaires ont été détruits. Le cépage le plus touché est le Muscaris, plus précoce. Sur le Johanniter, il reste environ deux à trois bourgeons primaires. Sur le Souvignier gris, plus tardif, trois à quatre bourgeons primaires ont résisté. Actuellement, la reprise de la vigne est déjà bien visible, surtout sur le Muscaris, très vigoureux et résilient. Nous espérons que la vigne compensera partiellement la perte engendrée par cet unique coup de froid. Une petite parcelle de 9 lignes (Muscaris planté en 2020) a été épargnée grâce à l’allumage de 150 bougies durant cette fameuse nuit de gel printanier. Nous aurons une meilleure idée début juin. »

Au Vignoble des Rivages à Feluy, la température est descendue à -1.8°C, et 75% des vignes ont gelé. « J’ai sauvé un quart du vignoble en testant l’aspersion, explique Thomas Cordier. J’ai été bluffé par cette méthode, car là où j’ai arrosé, c’est comme s’il n’avait pas gelé. Je suis décidé à installer un système d’aspersion dans tout le vignoble pour l’année prochaine. Je suis en contact avec Netafim qui commercialise un système qui consomme 70% moins d’eau qu’un système traditionnel. »

A Ostiches, Adrien Degavre a mis à l’épreuve 3 techniques antigel : « une tour antigel sur mon Chardonnay planté en 2022, un frostbuster sur ma première parcelle de 2019 et l’aspersion sur 90 pieds devant la ferme. Quelques bourgeons gelés ont été observés sur la parcelle de 2019 mais la vigne a pu compenser depuis lors et les pertes seront vraiment minimes. »

Dans le domaine des Sarments

Province de Liège

Le bilan est lourd chez Vin de Liège qui accuserait près de 70% de bourgeons gelés, les dispositifs anti-gel en place n’ayant pas été à la hauteur cette fois. Mais selon Romain Bevillard, « la reprise ne se présente pas si mal, cela va limiter les dégâts, je pense, à 40%, mais on ne sera fixés que fin juin. »

Au Clos des Prébendiers à Huy, Jacques Mouton se réjouit de n’avoir que peu de dégâts. « J’ai fais des feux continu durant les 2 nuits. De plus mon vignoble est protégé par des grands sapins et le vent du nord est passé au dessus. La centrale nucléaire voisine a amené les nuages et toute la matinée, le vignoble est resté dans la pénombre et le soleil n’a pas pu cuire les feuilles. »

A Couthuin, au Domaine XXV, « comme la plupart de nos collègues, rapportent Jérôme et Renaud Grégoire, nous avons subi 2 nuits de gel à -3° sur une vigne bien développée, ce qui a brûlé 95% de nos bourgeons primaires malgré l’utilisation de nos deux machines Agrofrost. La vigne plantée récemment à proximité du chai a été épargnée sans doute de par la protection du vent du nord. Entre-temps, les bourgeons secondaires non brûlés sont en cours de dévelop- pement. Les semaines à venir seront décisives pour espérer une vendange correcte. »

A Beaufays, au Domaine Bellum Fagetum, 90% des premiers bourgeons ont brûlé. L’espoir repose à présent sur une seconde inflorescence.

Province de Namur

Au Château Bon Baron, les vignes de Jeanette van der Steen ont été sauvées par la proximité de la Meuse qui longe ses parcelles. « Il y a toutefois, concède-t-elle, une petite parcelle en hauteur et hors de l’influence de la Meuse où la vigne a connu quelques difficultés », mais cela reste anecdotique.

A Emines, le Domaine du Chenoy est passé à travers les éléments. « Nous n’avons pas de dégâts, se réjouit Pierre-Marie Despatures, sur les parcelles protégées avec des bougies. Sur nos parcelles historiques, la taille tardive nous sauve avec beaucoup de bourgeons latents. est toutefois difficile d’avoir un retour chiffré pour l’instant. »

Pour le vignoble des Terres de Crompechine, le bilan est sans appel, confirme Frédéric De Baere : « nous avons affronté la nuit aux bougies et avec des feux complémentaires, mais même cela n’a pas sauvé le vignoble du gel. Je n’ai pas fait de recensement détaillé mais tout le vignoble y est passé. Nous restons toutefois confiants et positifs dans la résilience de Dame Nature ! »

A Floreffe, à Oze le vignoble, François Van Pachtenbeke reconnaît que « l’épisode de gel a été particulièrement impactant surtout la deuxième nuit. Tous les facteurs aggravants étaient réunis pour faire un maximum de dégâts : (1) pluie avant la nuit, ce qui a humidifié les bourgeons les rendant plus sensibles au gel + formation de givre, (2) passage sous 0°C en milieu de nuit, induisant une exposition longue, (3) stade végétatif entre pointe verte et 2 feuilles étalées rendant les bourgeons extrêmement sensibles, même à une exposition courte au gel, et (4) un ciel dégagé qui a fait plonger le thermomètre en dessous des prévisions (-3.7° à 6h le second jour). Conclusion : les 2 ventilateurs montés sur des tours n’ont pas été efficaces, j’ai perdu plus de 90% des bourgeons primaires sur les 5 cépages. Il y a quand même deux bonnes nouvelles. J’ai fait des tests de protection avec du voile d’hivernage et les résultats sont très encourageants, et les bourgeons secondaires semblent pour le moment assez fructifères, mais c’est encore tôt pour tirer la moindre conclusion. »

Province de Luxembourg

A Torgny, au Clos de la Fouchère, Daniel Dries donne un bilan très circonstancié : « C’est uniquement la nuit du 21 au 22 qu’il y a eu tous les dégâts de gel, il a fait -2°C, ce qui n’est pas très bas, mais il avait plu une partie de la journée du 21, les vignes étaient dès lors mouillées, ce qui n’arrange pas lors des gelées nocturnes. Il y a une grande différence entre les vignobles du haut du village, ceux du centre du village, et ceux plantés vers le bas du village, le haut ayant été plus épargné par rapport au bas. Les cépages n’ont pas été touchés tous de la même façon, l’Auxerrois a mieux résisté que les autres cépages par exemple. L’âge des vignes joue également un rôle important, car souvent les jeunes vignes d’un ou deux ans, voire trois ans, sortent de manière plus précoce que les vieilles vignes dont certaines ont  40 ans dans le village. Les vignes non liées s’en sortent mieux que celles qui étaient déjà liées, et si en plus elles étaient liées le long du fil de fer, l’impact du froid a été plus marqué. De manière générale, les dégâts sont estimés entre 50 et 66% au village, nous avons une petite parcelle dans le village de Chenois à quelques kilomètres, cette dernière a été gelée à 100%. »

A Rendeux, entre Hotton et La Roche-en-Ardenne, Eric Grevisse déclare pour le Vignoble de Loperlé et celui du Moulin de Hamoul, n’avoir perdu que  quelques bourgeons, mais de façon limitée. « Ma taille très personnelle anti-gel n’a pas mal fonctionné. Mes vignes sont reparties et promettent une récolte satisfaisante. »

Témoignages recueillis par Marc Vanel

Un ouvrage indispensable

« La Belgique, pays de vins, vignes et vignobles, d’hier et d’aujourd’hui »

Même s’il est établi que la Belgique, ou du moins les territoires qui formeront la Belgique en 1830, possède une longue tradition vitivinicole, personne n’avait encore rédigé avec détails toute son Histoire, avec un grand H, tant au nord qu’au sud du Sillon Sambre-et-Meuse.

Si l’on trouve quelques beaux documents dans les archives et les cercles d’histoire de certaines villes (Huy, Liège,…) où la tradition fut plus forte qu’ailleurs, la première pièce de choix fut le travail du géographe liégeois Joseph Halkin qui dressa en 1895 la liste des lieux où fut planté de la vigne, un ouvrage réédité par Marc De Brouwer en 2005 et disponible en ligne sur vignes.be.

Outre quelques courts textes publiés au fil du XXe siècle, dont certains truffés d’erreurs, un des premiers ouvrages sur la viticulture belge, fut « Vignobles de Belgique » (Racine, 2009) qui recensa 50 vignobles en Wallonie et 50 en Flandre. A l’époque, aucun liste n’existait, ce fut une première. Mais il ne s’agissait que d’un recensement, pas d’une chronologie historique.

Ce travail fut initié quelques années plus tard par Guy Durieux, vigneron à Andenne, rejoint par Marc Vanel, dans la rédaction de l’ouvrage « Vignobles de Sambre et de Meuse – 12 siècles d’histoire » (Piezo, 2014). Les auteurs sont partis à la recherche des racines de la viticulture wallonne et retracent le riche passé de Liège, Huy, Namur et Dinant pour mieux appréhender, en fin de volume, le renouveau viticole wallon de ces dernières années.

Marc De Brouwer dans sa cave… (ph. Vanel)

A noter qu’en préface de cet ouvrage, les auteurs avaient précisément donné la parole à… Marc De Brouwer, grand défenseur de la vigne en Belgique, viticulteur et auteur, notamment, d’un traité de vinification qui a inspiré nombre de nos membres.

Celui-ci vient donc de livrer une histoire plus que complète du vignoble belge. En 300 pages compactes, son étude est un véritable voyage dans le temps et est le résultat d’un travail de bénédictin mené pendant plus de 20 ans et va plus loin que tous les ouvrages antérieurs, notamment en présentant sur 80 pages tous les vignobles actuels de plus d’un hectare. L’affaire n’est pas mince.

Nous n’allons pas retracer ici cette longue saga, une newsletter ne suffirait pas, mais nous souhaitons féliciter Marc De Brouwer et vous recommander chaleureusement la lecture de cet ouvrage abondamment illustré et indispensable à la mise en perspective de notre viticulture.

Le livre coûte 29,50€ (37€ avec les frais de port) et peut être commandé via vignes.be ou cepvdqa@gmail.com.

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Des nouvelles de nos membres

Dans chacune de nos lettres d’infos, quelques nouvelles de la vie viti-vinicole de nos membres… ou d’événements pouvant vous intéresser.

Photo Domaine du Dièdre noir

Le Dièdre noir passe à tabLE

La famille Dohy a planté en 2019 le Domaine du Dièdre noir à Marche-les-Dames et chaque membre de la famille assume sa part de travail. Aujourd’hui, une nouvelle page du projet s’écrit avec le lancement d’une restaurant bistronomique au cœur des vignes.

« Trois amis issus de la même école hôtelière se sont unis pour créer une expérience culinaire unique, en travaillant avec des produits de qualité et de saison. Notre passion pour la cuisine transparaît dans chaque plat que nous servons. Rejoignez-nous pour une aventure gustative mémorable, où la convivialité et la délicatesse se marient harmonieusement. »

> Ouvert du mercredi au dimanche de 12 à 14h et de 19 à 21h. L’adresse: rue des Bigarreaux 59, 5024 Marche-Les-Dames – Réservation en ligne via diedrenoir.be. Quatre menus de 2, 3, 4 ou 5 services sont proposés entre 35 et 75€.

Silence, on plante…

Tout récemment, le Domaine du Chant d’Eole a ajouté 25.000 pieds, soit 2.75ha, aux 52 déjà existants. De son côté, Ruffus vient aussi d’en ajouter 4,5, passant ainsi la barre des 40 hectares…

Plantation au Domaine de Wespin – Photo Vincent Dienst

Plus modestement Adrien Degavre a replanté 2 hectares à Ostiches. Enfin, Vincent Dienst a récemment lancé un crowfunding (qui a connu un succès fulgurant) via Miimosa pour planter son propre vignoble : le Domaine de Wespin sur les coteaux de Dinant en collaboration avec plusieurs membres de sa famille.

« Ce lieu rassemble les composantes idéales d’un terroir viticole exceptionnel, commente Vincent : un microclimat local plus chaud que le climat général du plateau, une pente orientée sud-ouest bénéficiant d’un ensoleillement maximal et d’une exposition idéale aux vents dominants. »

Infos : wespin.be

À la découverte du terroir viticole belge

Le vendredi 7 juin 2024, Vivardent et l’Union des œnologues de Belgique, présenteront à Sprimont une conférence-débat avec Lydia et Claude Bourguignon, deux experts internationaux des terroirs viticoles dans le monde.

© SIPA – Union des Oenologues de Belgique

Au programme :

    • 9h30-11h30 : conférence de Lydia et Claude Bourguignon sur la notion de Terroir viticole en Belgique
    • 11h30-12h30 : dégustation de deux vins belges, discussion sur le lien avec leurs terroirs. PAF : 20€.
    • L’après-midi : 3 ateliers pratiques qui seront animés quatre fois à 14, 15, 16 et 17h
        • Atelier 1 : Quels cépages choisir selon le type de sol (Lydia et Claude Bourguignon, Anouck Stalport, chercheurs en viticulture)
        • Atelier 2 : La conception d’une cuverie (Thomas Heeren, maître de Chai chez Vivardent)
        • Atelier 3 : Climat’hic, réflexion sur les vins que nous produirons en 2050 (Sébastien Doutreloup, climatologue et Véronique Lidby, oenologue) PAF : 10 euros, à régler à l’inscription.

Et aussi : dégustation de vins belges, stand ‘Fair & Green’, stand de l’Union des Oenologues de Belgique, exemples d’outils d’œnotourisme, balades autour des vignes à la découverte de la biodiversité (Les Balades de Sophie). Formules de petite restauration et de boissons toute la journée, les tapas du midi et le barbecue du soir seront accessibles sur inscription.

L’adresse : Cuverie de Vivardent, Sur Stapelette 1 à 4140 Sprimont, Véronique Lidby, 0491 355 002.

« Succès des vins belges: une conséquence inattendue du dérèglement climatique fait le bonheur des vignerons » vu par RTL

https://www.rtl.be/actu/belgique/societe/succes-des-vins-belges-une-consequence-inattendue-du-dereglement-climatique-fait/2024-04-21/article/660677?utm_source=Inscription+newsletter&utm_campaign=882ac598f2-EMAIL_CAMPAIGN_2017_03_01_COPY_01&utm_medium=email&utm_term=0_f9d5c9c6e3-882ac598f2-144941037&mc_cid=882ac598f2&mc_eid=f32650d79f