Portraits de vignerons (#6)
Domaine Bellum Fagetum (Beaufays)
« Partage, rencontres et convivialité » sont les trois valeurs au centre du projet de la coopérative Bellum Fagetum lancé en 2021 à Beaufays, par Judith Michel et son compagnon Geoffrey Prinsens.
L’histoire n’était pas écrite, comme on dit dans ces cas-là. Pour éviter que de nouvelles habitations ne soient construites dans leur jardin, le couple acquiert progressivement à partir de fin 2020 cinq hectares de terrains derrière leur maison pour un projet qui n’était alors pas encore défini… mais qui deviendra rapidement un projet de vignoble.
Les premiers pieds ont été plantés en mai 2022 et une coopérative est créée. Au Domaine BF, la coopérative n’est pas juste une forme de société qui permet de collecter de l’argent. Les coopérateurs ont leur mot à dire et la moitié d’entre eux sont actifs dans les divers comités qui se réunissent au moins tous les 2 mois, en soirée.
Ici aussi, le choix des cépages résistants a été fait : johanniter, souvignier gris, solaris et muscaris. Situé sur un plateau à 270 m d’altitude alliant ensoleillement complet et excellente ventilation, le vignoble profite d’un terroir d’exception composé d’argile limoneuse et de schiste. Le tout, avec, depuis peu, les conseils avisés d’Alec Bol.

En 2025, la coopérative va plus loin et finance la plantation de 10.000 pieds (2,5ha) avec un budget de 370.000 euros intégralement apportés par les membres en un mois ! Un exemple unique en Wallonie. Bellum Fagetum passe ainsi 4,5 à 7 hectares et rassemble désormais plus de 1000 coopérateurs.
Et comme le souligne Judith, « Faire partie du projet, c’est disposer du vignoble pour s’y promener, prendre l’apéro, lire un livre, se connecter à la nature mais c’est aussi soutenir une initiative qui a pour but de reconnecter les gens entre eux et avec la nature. »
Infos : Domaine Bellum Fagetum – www.domainebf.be
Aux Grands Champs 47 à 4052 Beaufays (Chaudfontaine)
Vignoble des Coteaux de Lincé (Sprimont)
Situé à la confluence de l’Ourthe et de l’Amblève au sud de Liège, le vignoble des Coteaux de Lincé est né de l’amitié entre 3 familles du village passionnées de nature, de vins et de voyages.
Jean-Marc Lewalle, Philippe Leerschool et Pierre Toussaint et leurs compagnes assurent l’ensemble du processus, de la vigne à la bouteille. Le vignoble est divisé actuellement en quatre parcelles situées au cœur du village. Les premières vignes ont été plantées en 2011, puis ont suivi de nouvelles parcelles en 2016, 2019 et 2022 couvrant actuellement une surface totale de 2 ha. Les espaces non plantés sont fauchés tardivement pour favoriser la survie des polinisateurs. Les haies naturelles sont préservées et renforcées par de nouvelles plantations d’espèces indigènes.
Toutes les interventions sont réalisées à la main ou mécaniquement sans aucun produit chimique de synthèse. Seuls le souffre minéral et le cuivre sont admis pour lutter contre les maladies cryptogamiques (mildiou, oidium…) dans le respect des prescriptions de l’agriculture biologique.

Les cépages
Le vignoble est exclusivement planté de cépages résistant aux maladies fongiques classiques de la vigne. Ce qui permet de limiter les traitements, voire de ne pas traiter du tout, et de produire des vins qui respectent le cahier des charges des vins biologiques.
La variété majoritaire est le solaris, complété par du muscaris et du johanniter en blanc et, du rondo, regent et cabernet cortis en rouge. Le groupe produit des vins légers très colorés présentant un bel équilibre entre fruits et tanins, d’une agréable douceur en bouche. Le pressage immédiat après foulage permet de réaliser des vins rosés puissants et fruités qui n’ont rien à envier aux rosés plus méridionaux…
L’équipe participe également avec le laboratoire de climatologie de l’ULiège a l’étude d’un modèle météo prévisionnel permettant d’anticiper les événements météorologiques susceptibles d’impacter la production. Un nouveau chai et un hébergement dominant les vignes sont actuellement en voie de construction.
Infos : Les Coteaux de Lincé – NorDivin srl
rue Robespierre 5B à 4140 Sprimont – www.coteauxdelince.be
Le vignoble du Château de Bousval (Genappe)
Lancé en 2012 par Michel Verhaeghe de Naeyer, le projet du domaine viticole du Château de Bousval est né de la volonté de régénérer un sol épuisé par l’agriculture intensive pour en faire un terroir vivant et porteur d’un grand vin.
Après deux années consacrées à la revitalisation des terres, les premières vignes ont été plantées en 2014. Aujourd’hui, le domaine s’étend sur 8,2 hectares et cultive trois cépages nobles : le chardonnay, le pinot noir et le pinot gris.
Sur les conseils du Bourguignon Pascal Marchand (Nuits-St-Georges), le domaine a fait dès le début le choix d’une viticulture respectueuse de l’environnement, certifiée biologique en 2021, puis biodynamique (Biodyvin) en 2024.
Vendanges manuelles, vinification par parcelle, interventions limitées : tout est pensé pour préserver l’expression pure du terroir. Le chai, inauguré en 2019, a été conçu selon les principes de l’éco-construction : toiture végétale, matériaux naturels, et un processus de vinification par gravité, minimisant ainsi l’impact environnemental. Il s’intègre avec merveille dans la nature.
« Le dernier investissement, se réjouit Michel, que nous avons fait pour le vignoble et pour l’environnement, c’est l’installation d’un champ de panneaux photovoltaïques. Ce qui nous permet maintenant d’être complètement autonomes en termes de production et d’utilisation d’énergie. Il est installé entre le chai et la grange, il est invisible, mais il peut produire jusqu’à un mégawatt par jour.
Grâce à un très beau printemps et très peu de pluie, le début de l’année est positif pour Bousval. Les saints de glace ont été relativement gentils avec nous cette année, avec un seul coup de froid le 23 mai. Nous avions aussi investi dans une nouvelle protection contre le gel tardif – le filet Gel Protect, un produit de Alphatex. Mais ce n’est pas pratique du tout et dans d’autres vignobles – nous sommes cinq vignobles à l’avoir essayé – cela n’a rien protégé du tout. »
Pour le reste, conclut l’entrepreneur, « notre politique est vraiment de continuer notre approche de l’international. On est déjà dans quelques pays comme le Luxembourg, la Hollande, l’Angleterre et l’Allemagne. Et donc, on continue à développer. Il est important pour la reconnaissance du vignoble belge d’aller se faire connaître à l’international pour que l’on puisse trouver notre place dans le monde. Ce qui n’est pas facile, car nous sommes un petit Poucet. »
Infos : Vignoble du Château de Bousval – chateaudebousval.be
rue du Grand Arbre 23 à 1470 Bousval
Vignoble du Château d’Annevoie (Annevoie)
En avril 2020, le cardiologue Léopold Loumaye et son père Ernest-Tom ont planté 11.5 hectares de cépages résistants derrière le château d’Annevoie qui leur appartient. La responsabilité du domaine a été confiée à Damien Briard, vigneron-œnologue qui a passé plus de trente ans à Bordeaux et en Champagne.
L’idée était, et est toujours, de diversifier l’activité des Jardins et du château remis en état par les Loumaye qui rencontrent Damien Briard, originaire d’Anhée, via une connaissance commune, Philippe Berger, formateur au CEFOR, qui habite lui aussi la commune.

« C’est surtout la page blanche qui m’a convaincu, expliquait Damien Briard à l’époqie. Puis aussi le fait que je savais que Philippe Grafé était intervenu pour conseiller Léopold sur les relations cépages-terroirs, car c’est lui qui m’a appris à déguster quand j’avais 16 ans, c’est amusant de le retrouver dans la boucle. Tout est à faire: les vins, la cuverie, les étiquettes, le développement… c’est un beau défi ».
Cinq variétés de vignes ont été plantées : 4ha de Johanniter et 4ha de Sauvignac pour des vins mousseux et blancs, 1.5ha de Cabaret noir, 1ha de Solaris et 1ha de Cabernet blanc. Cela permet au domaine de produire deux vins blancs tranquilles et un vin blanc en méthode traditionnelle. L’équipe envisage d’ajouter 1,5 hectare en avril 2026.
« Nous venons de perdre 10% de nos cabernets blancs le 23 mai dernier, et 2024 était un millésime difficile, j’ai vinifié le cabaret noir en macération semi-carbonique une journée, puis comme un blanc après. L’idée est de faire un rouge léger qui “pétouille” mais sur le fruit, la fraîcheur et l’élégance. Nous sortons aussi un crémant rosé 2023, à base de cabernet blanc avec une pointe de cabaret noir, le seul cépage rouge du domaine. »
Et quid de BelBul ?
« Je trouve le concept assez bien en tant que groupe. Ça permet d’avoir autre chose que uniquement le crémant, c’est plutôt positif, je pense. Léopold a suivi la préparation du label. Je trouve que les gens ont l’air assez curieux, donc ça peut être pas mal, surtout que tout le monde plante de la vigne en Belgique, le marché va gentiment se tendre dans les années qui viennent. Les consommateurs ne vont pas se multiplier par 100, et donc, avoir des références un peu qualitatives, ou un peu plus intersectionnelles, ça permet de ne pas être noyé dans la masse. On va voir à moyen et long terme, mais je suis assez confiant dans le projet.
Pour l’instant, il y a une forte demande, tout le monde pose des questions, les restaurateurs aussi. C’est bien qu’on ait des gens dynamiques qui lancent des choses pour que la viticulture belge continue à bouger. Il ne faut surtout pas qu’on devienne comme les appellations françaises, à s’endormir sur nos lauriers.»
Infos : Château d’Annevoie – chateaudannevoie.be
rue des jardins 41 à 5537 Annevoie
Portraits – juin 2025 – Marc Vanel