5 vignobles de plus en Wallonie! ESSENTIELLE VINO juin 2018

ESSENTIELLE VINO de juin 2018 par Marc Vanel

(photos copyright Marc Vanel)

 

 

5 vignobles de plus !

L’événement est de taille : la première véritable coopérative viti-vinicole de

Wallonie est née en mars dernier à Sirault, un petit village entre Mons et

Ath, non loin de St-Ghislain. Nous écrivons « véritable », car il existe bien

sûr celle de Vin de Liège par exemple, mais ici la démarche est différente.

Ces vignerons siraultois sont des passionnés qui ont commencé à planter

chacun dans leur jardin ou sur un lopin de terre disponible, mais qui

aujourd’hui ont planté des nouveaux terrains au point d’atteindre plus de

2,5 ha. Terrains et équipement appartiennent désormais à la coopérative

« Le Vignoble de Sirault » qui compte 11 membres fondateurs.

Présidée par Jean-Christophe Vanderelst, la coopérative rassemble des

personnalités du village (pharmacien, médecin, journaliste, etc.) et plusieurs

agriculteurs, mais, explique le secrétaire Thierry Vangulick, « nous

voulons aussi que la coopérative devienne un véritable outil d’animation

dans le village, un lien social avec les moins valides, les jeunes, les

anciens. Déjà aujourd’hui, les scouts et des retraités viennent nous donner

un coup de main pour les travaux. Et pour les futures vendanges, tout le

monde se bouscule pour un événement que tout le village attend avec

impatience. Notre objectif est de nous inscrire dans une logique de développement

durable et de circuit court. Mais l’idée première, c’est avant tout

de produire de bons vins, issus de notre terroir. »

Pour y parvenir, la coopérative a déjà planté quelque 6000 pieds aux

quatre coins du village. Le Muscaris représente un peu plus d’un tiers des

plantations, suivi du Souvignier gris, du Johanniter et du Cabernet cortis.

« Nous voulons atteindre rapidement 10.000 pieds et produire aussi bien

des vins rouges, des blancs et même des rosés, conclut Th. Vangulick. »

Le vignoble wallon est en pleine expansion. Ce printemps, près de

12 hectares ont été plantés aux quatre coins de la Région. Tour de piste.

 

Un nouveau voisin pour Ruffus et Eole

Egalement dans le Hainaut, mais plus à l’est, formant la pointe d’un

triangle imaginaire entre le Vignoble des Agaises-Ruffus et le Domaine

du Chant d’Eole, un nouveau domaine de 4,2 hectares vient d’être planté

à Nouvelles mais il n’a pas encore été baptisé. Même sol calcaire que

les deux autres vignobles et quasi les mêmes cépages de Chardonnay,

Pinot noir et Pinot meunier. A la barre, le Belge Vincent De Busscher

(53 ans) et la Champenoise Laurianne Potié (38 ans), fille de vigneron

dans la Marne. Le premier, ami de la famille, venait faire les vendanges,

la seconde a un jour décidé de se lancer à son compte et pourquoi pas

en Belgique. Il ne s’agit pas d’une affaire de coeur comme on pourrait

l’imaginer, mais bien de passion du vin. « Quand Vincent me parlait de la

renaissance de la viticulture en Belgique, cela me semblait complètement

fou. Je suis issue d’une famille qui a une longue histoire avec le vin, mais

ici, tout a été créé de toutes pièces. En quelques années seulement et

en plus c’est bien… On a ici une liberté qu’on n’a pas là-bas, c’est un vrai

laboratoire expérimental ».

De son côté, issu de milieux financiers, Vincent De Busscher avait

envie de se lancer un nouveau défi. « Nous avons planté à l’alsacienne,

explique-t-il, tous les deux mètres pour laisser passer le tracteur vigneron.

Les vignes seront hautes, et la culture sera biologique en méthode intégrée,

c’est-à-dire naturelle tant que cela marche, mais sans agents CMR,

« cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques. Nous sommes ici sur un

site classé, nous avons dû demander deux fois plus d’autorisations qu’un

autre, tous nos produits ont été sélectionnés par l’Université de Gembloux

qui nous suit de près. Les porte-greffes respectent la minéralité du sol,

nous avons planté 3300 pieds de Chardonnay, 3500 de Pinot meunier et

3400 de Pinot noir sur 4,2 hectares. Et il y a du potentiel autour de nous. »

Il faut toutefois patienter encore quelques années avant de découvrir les

premières bulles.

 

 

Près de Charleroi

Changement de cap, remontons à présent vers Landelies (Montigny-le-Tilleul)

pour une expérience plus qu’intéressante : le domaine du Blanc Caillou

vient d’être planté sur une parcelle composée de terres redéposées par la

Carrière des Calcaires de la Sambre au fil des années. L’histoire démarre

deux ans avant avec la dégustation au Logis Montagnard d’une des rares

bouteilles de Marc Boddaert qui bichonne depuis bien longtemps un micro-

vignoble de dix pieds dans son jardin. Ce qui lui permet de produire six

bouteilles chaque année… La dégustation ayant été appréciée par Michel

Evrard, directeur des Carrières et membre lui aussi du Logis Montagnard,

celui-ci lui propose de projeter l’expérience sur… 1,5 hectare disponible

derrière la carrière. Le sol est très calcaire, mais il a été enrichi en matière

organique à laquelle on ajoute de la « vesce de Hongrie », un système

racinaire profond pour aérer le sol et activer la vie microbienne. « Nous

extrayons 750.000 tonnes de calcaire tous les ans et nous avons une

autorisation pour exploiter 25 hectares pendant encore 20 ans. Le plan

de secteur prévoyant 70 hectares, nous avons lancé une procédure en

2016 pour continuer à exploiter la carrière pendant 90 ans. On s’attendait

à avoir des réticences des voisins, mais il n’en fut rien. J’ai voulu lancer ce

vignoble pour un jour remercier les voisins de nous permettre de continuer

à faire vivre environ 150 familles. »

Une coopérative a donc été lancée, la Carrière a acheté le tiers des parts,

le reste est toujours partiellement disponible, avis aux amateurs. Près

de 6500 pieds ont été plantés et inaugurés ce 1er juin dernier, tous des

cépages résistants : Johanniter (53 %), puis Solaris, Souvignier gris et,

quelques pieds de rouges, Regent et Divico. D’ici trois ans, les actionnaires

recevront deux bouteilles chaque année, les autres étant vendues

ou distribuées aux aidants.

 

A deux pas

A une dizaine de kilomètres, sous la Portelette à Lobbes, Bertrand

Halbrecq et Pierre Conreur ont planté 1,5 hectare de Souvignier gris,

Johanniter et de Muscaris dans l’idée de produire des vins blancs et

effervescents. Situé sur la terre dite du Grand Brule et protégé par un

mur, le domaine de la Portelette devrait s’étendre rapidement : un hectare

est disponible sur la propriété et 2,5 autres hectares seraient déjà prévus

à Strée. Une vieille grange de la ferme de l’abbaye voisine servira de chai.

 

 

Dans le Namurois

Fondée en avril 2017, l’asbl VignAndenne a pour objet la promotion « du

vin andennais et les cépages locaux sous toutes ses formes et l’émergence

d’une activité viticole » sur le territoire de la commune, en collaboration

avec les communes limitrophes de Fernelmont et de Wasseiges. On y

retrouve des personnes privées ainsi que des représentants de la ville.

Cette association devait se transformer en coopérative avant fin 2018 et

c’est chose faite depuis le 12 juin dernier. Son président n’est ni plus ni

moins que Guy Durieux, vigneron à Seilles depuis presque 30 ans et qui

connaît parfaitement le métier.

Des chais de 650 m2 vont être aménagés à Thon-Samson le long de la

Meuse et tous les vignerons des environs viendront y vinifier leur vin. Le

bâtiment, qui appartient au notaire Michel d’Harveng, comportera également

un restaurant, un magasin de produits locaux, une salle de réception,

un labo et un vaste parking. M. d’Harveng a confié le soin à Benoît

Exsteens qui fut pendant dix ans la cheville-ouvrière du Domaine de Chenoy

de la plantation du Clos du Mostombe, dans le village de Landenne.

Un seul cépage planté ici : 1,5 ha de Divico, un nouveau cépage qui

commence à bien se répandre en Wallonie. Sept autres hectares sont

disponibles sur le même terrain.

 

 

Non loin, à Franc-Waret, Frédéric De Bare a quant à lui planté 2 ha de

Johanniter, de Solaris et de VB Cal 6-04, un nouveau cépage résistant

également choisi par Michel Flament qui s’apprête à en planter 2500

pieds à côté de la ferme pédagogique du Chant d’Oiseaux à Andenne.

Le vigneron et pépiniériste Hugo Bernar à Tirlemont est l’un des plus

grands pourvoyeurs de cépages en Wallonie, ses conseils sont précieux.

 

 

 

LE CHENOY fête ses 15 ans! par Marc Vanel dans la DH du 24 novembre 2017

Le domaine du Chenoy est

probablement l’un des domaines

viticoles belges les

plus connus : son propriétaire

n’est autre que Philippe

Grafé, anciennement associé

à son frère dans les vins Grafé-

Lecocq, une maison de négoce

connue dans tous les

foyers wallons.

En 2000, alors qu’il aurait

dû entamer une retraite méritée,

Philippe Grafé décide de

se lancer dans la production

de vin non loin de Namur. En

2002, il acquiert la ferme du

Chenoy à Emines et plante au

printemps 2003 dix hectares

de cépages dits interspécifiques

ou hybrides, alors quasiment

inconnus en Belgique.

Ces cépages, souvent d’origine

allemande ou suisse, ont

été créés par greffes successives

dans des instituts de recherche,

mais il ne s’agit absolument

pas d’OGM.

Au contraire, leur qualité

première est de résister aux

maladies courantes de la vigne

qui se développent plus

facilement dans des climats

humides tels que le nôtre.

Cultiver en interspécifique

n’est pas cultiver bio mais

cela y ressemble furieusement.

Au fil des années et découvrant

un métier qu’il ne connaissait

pas, Philippe Grafé

fait ses expériences, parfois

moins heureuses, et produit

désormais une moyenne de

50.0000 bouteilles par an. Il

va surtout influencer une

nouvelle gén ération de viticulteurs

: le Château de Bioul,

Vin de Liège, la Ferme du Chapitre

et d’autres sont ses héritiers

directs, tout comme son

voisin du Ry d’Argent.

REPRISE

Mais les années passent,

l’homme songe à raccrocher.

Dans sa recherche d’un repreneur,

il rencontre Fabrice

Wuyts qui investit et qui devient

gérant du Chenoy,

même si Philippe Grafé continue

à mener le navire au quotidien

du navire.

En 2017, alors qu’il fête ses

80 printemps, notre viticulteur-

entrepreneur rencontre

enfin la perle rare et il faut

reconnaître qu’il a frappé

fort.

Originaire de Mouscron et

licencié de Gembloux, Jean-

Bernard Despatures s’est installé

en 1997 à Bordeaux et

fut notamment directeur

technique des Châteaux

Dutruch Grand Poujeaux et

Anthonic. Excusez du peu !

Souhaitant revenir en Belgique

pour offrir une

meilleure scolarité à ses enfants,

il rencontre Fabrice

Wuyts et Philippe Grafé qui le

séduit complètement, tant

l’homme que son projet.

Dès son arrivée, il entame

la certification bio du domaine

du Chenoy (qui ne sera

effective qu’en 2019). Une démarche

dont les prémices

étaient déjà posées depuis

des années et auxquelles il ne

manquait pas grand-chose

pour aboutir.

C’EST LA FÊTE !

L’expérience bordelaise de

Jean-Bernard va apporter une

vraie plus-value au Chenoy.

Les assemblages vont certainement

évoluer, d’autant

plus que le domaine va être

conseillé par l’oenologue français

Eric Boissonot qui travaille

pour plus de 180 propriétés

dont Latour, Lafite

Rotschild, Léoville Las Cases !

Quelle chance pour notre

pays microscopique sur la

scène mondiale du vin !

Dans le même esprit bordelais,

il ne serait pas étonnant

que les premières barriques

débarquent au domaine ! Du

changement en perspective

donc.

Pour fêter les 15 ans de son

achat et bientôt les 15 ans de

ses premières plantations,

Philippe Grafé a organisé un

week-end festif les 9 et 10 décembre

2017.

À cette occasion, un carton

de 6 vins rouges est offert à

l’achat de deux cartons de

rouge ! Une belle occasion de

vous convaincre de la qualité

de la production du Chenoy

et de découvrir sa fameuse

Butte aux Lièvres.

Marc Vanel

: Philippe Grafé et Jean-Bernard

Despatures, un tandem dynamique. ©MV